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10/10 2023
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UN ACCÈS TRÈS DIFFICILE À LA MAMMOGRAPHIE DE DÉPISTAGE DANS LES CÔTES-D'ARMOR FAUTE DE RADIOLOGUES

SAINT-BRIEUC, 10 octobre 2023 (APMnews) - L'accès très difficile à la mammographie de dépistage du cancer du sein est un exemple criant de l'inégalité croissante de l'accès aux soins dans les Côtes-d'Armor, a dénoncé un médecin de Saint-Brieuc dans une tribune adressée à la presse.

"Voici le mois d'octobre; le mois rose - Le rose de la honte", écrit le Dr Cynthia Garignon, présidente de la commission médicale d'établissement (CME) du centre hospitalier de Saint-Brieuc, établissement support du groupement hospitalier de territoire (GHT) d'Armor.

Alors que les événements se succèdent pendant Octobre rose pour inciter les femmes à se faire dépister et "à l'heure où nous avons désormais non plus un ministre de la santé mais un ministre de la santé et de la prévention, nous pouvons nous réjouir de cette forte mobilisation car nous sommes convaincus de l'importance du dépistage précoce pour une pathologie qui touche chaque année plus de 61.000 nouvelles femmes parmi lesquelles 1.200 décéderont. Nous savons que plus le diagnostic est précoce, meilleur est le taux de survie", note-t-elle.

C'est "le rose de la honte parce que dans notre territoire dans lequel 560 femmes sont concernées par ce cancer, lorsqu'une femme sensibilisée par la campagne va téléphoner au centre hospitalier Yves-Le Foll (Saint-Brieuc) pour obtenir un rendez-vous de mammographie, on lui répondra qu'il n'est pas possible de lui donner un rendez-vous dans un délai d'un an", rapporte-t-elle.

Le CH de Saint-Brieuc n'a plus qu'une radiologue formée à ce dépistage et a d'autres tâches à réaliser en plus. Le centre privé briochin (le Cario) demande de rappeler en décembre car ils en sont à programmer début 2024 les demandes reçues cet été, relate-t-elle à APMnews.

"A Saint-Brieuc dans le secteur public comme dans le secteur privé, tous les rendez-vous sont pleins sur une année entière, de même qu'à Lannion" et à Guingamp, il n'y a que l'hôpital dans lequel exerce un radiologue libéral, poursuit-elle.

Elle déplore que trop de radiologues formés s'installent dans les cliniques privées des grandes agglomérations dans lesquelles le niveau de rémunération est plus de deux fois supérieur à celui des radiologues hospitaliers pour une activité uniquement de jour, c'est-à-dire qu'ils ne participent à aucune garde de nuit, ni de week-end. "Ainsi si vous utilisez une plateforme de rendez-vous en ligne, vous pourrez obtenir à Rennes, Nantes ou Brest un rendez-vous dans moins de huit jours."

"Pouvons-nous accepter que l'accès aux spécialistes ne devienne possible que dans les grandes métropoles ?", questionne-t-elle. Citant l'accord signé cet été entre l'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, qui interdit l'installation de nouveaux praticiens dans des zones suffisamment dotées où seuls les départs en retraite peuvent être remplacés (cf dépêche du 25/08/2023 à 16:27), elle se demande pourquoi cela ne serait pas possible pour les autres médecins.

"Allons-nous continuer à accepter que les médecins les mieux payés soient ceux qui n'ont aucune contrainte de travail de nuit, de week-end ou de jour férié alors que tous sont rémunérés par la Caisse nationale de l'assurance maladie, c'est-à-dire vos cotisations sociales?"

"S'il est vrai que nous ne pouvons pas maintenir toutes les activités notamment les plus techniques partout, nous devons tous pouvoir accéder en tout point du territoire aux programmes de dépistage qui sont un élément essentiel de la prévention", soutient-elle.

"Alors que les indicateurs de santé sont déjà souvent défavorables dans notre département, inférieurs aux moyennes nationales et régionales, ne nous leurrons pas, ils vont encore se dégrader. Comment ne pas le dénoncer et réclamer une autre politique?", conclut la présidente de CME.

Inquiétude des organisateurs du dépistage

"Nous sommes inquiets", reconnaît le Dr Emmanuel Blin, médecin coordonnateur de l'antenne des Côtes-d'Armor du centre régional de coordination de dépistage des cancers (CRCDC) Bretagne, sollicité mardi par APMnews.

"Les radiologues qui partent à la retraite ne sont pas remplacés -la sénologie est en perte de vitesse- et il y a eu la fermeture d'un centre libéral à Saint-Brieuc. Il faut plus de six mois en général sur le département pour avoir un rendez-vous", explique-t-il.

Le taux de participation au dépistage, qui était supérieur à 60% il y a 10 ans, est tombé à 53% pour 2021-2022, regrette le Dr Blin qui a exprimé cette inquiétude lors d'une conférence de presse la semaine dernière.

"Un taux de 53% ce n'est pas satisfaisant pour nous. Nous sommes inquiets", déclare-t-il. "Cette baisse de participation est au moins en grande partie due aux difficultés de rendez-vous", estime-t-il.

Sa structure travaille avec les radiologues et les secrétariats pour essayer d'améliorer la situation. Les délais fluctuent selon les périodes d'une ville à l'autre. En ce moment, le CH de Paimpol a lui aussi arrêté ses mammographies de dépistage. Au CH de Lannion, cela fonctionne bien car il y a trois radiologues mais des départs en retraite sont à prévoir. C'est mieux à Loudéac ou en limitrophe dans le Morbihan à Pontivy.

Il rapporte recevoir des mails, des courriers de femmes qui se plaignent d'être invitées au dépistage mais de ne pas parvenir à prendre rendez-vous. Les nouvelles participantes sont déçues et l'intervalle entre deux mammographies s'allonge pour les autres. La structure de dépistage envoie maintenant ses invitations trois mois avant l'échéance pour permettre aux femmes d'anticiper.

"Nous sommes assez démunis, certaines voyagent", reconnaît-il.

Interrogé sur la possibilité de faire circuler un mammobile, le Dr Blin a indiqué que cela faisait partie des "solutions envisagées" avec les acteurs du dépistage. "Il y a un projet de mammobile régional", a-t-il dit.

Les données présentées pour toute la France en juin par Santé publique France attestaient d'une légère remontée après le Covid en 2021-2022 à 47,7%, mais sans atteindre le niveau de 2018-2019 indiquant que l'effet de la pandémie n'était pas totalement rattrapé et une analyse détaillée a fait apparaître une nouvelle baisse en 2022 à 44,9% contre un taux de 50,5% en 2021 du fait d'une densification des invitations malgré un étalement par les CRCDC et des délais qui s'allongent entre deux dépistages, rappelle-t-on (cf dépêche du 15/06/2023 à 18:44).

sl/ab/APMnews

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SAINT-BRIEUC, 10 octobre 2023 (APMnews) - L'accès très difficile à la mammographie de dépistage du cancer du sein est un exemple criant de l'inégalité croissante de l'accès aux soins dans les Côtes-d'Armor, a dénoncé un médecin de Saint-Brieuc dans une tribune adressée à la presse.

"Voici le mois d'octobre; le mois rose - Le rose de la honte", écrit le Dr Cynthia Garignon, présidente de la commission médicale d'établissement (CME) du centre hospitalier de Saint-Brieuc, établissement support du groupement hospitalier de territoire (GHT) d'Armor.

Alors que les événements se succèdent pendant Octobre rose pour inciter les femmes à se faire dépister et "à l'heure où nous avons désormais non plus un ministre de la santé mais un ministre de la santé et de la prévention, nous pouvons nous réjouir de cette forte mobilisation car nous sommes convaincus de l'importance du dépistage précoce pour une pathologie qui touche chaque année plus de 61.000 nouvelles femmes parmi lesquelles 1.200 décéderont. Nous savons que plus le diagnostic est précoce, meilleur est le taux de survie", note-t-elle.

C'est "le rose de la honte parce que dans notre territoire dans lequel 560 femmes sont concernées par ce cancer, lorsqu'une femme sensibilisée par la campagne va téléphoner au centre hospitalier Yves-Le Foll (Saint-Brieuc) pour obtenir un rendez-vous de mammographie, on lui répondra qu'il n'est pas possible de lui donner un rendez-vous dans un délai d'un an", rapporte-t-elle.

Le CH de Saint-Brieuc n'a plus qu'une radiologue formée à ce dépistage et a d'autres tâches à réaliser en plus. Le centre privé briochin (le Cario) demande de rappeler en décembre car ils en sont à programmer début 2024 les demandes reçues cet été, relate-t-elle à APMnews.

"A Saint-Brieuc dans le secteur public comme dans le secteur privé, tous les rendez-vous sont pleins sur une année entière, de même qu'à Lannion" et à Guingamp, il n'y a que l'hôpital dans lequel exerce un radiologue libéral, poursuit-elle.

Elle déplore que trop de radiologues formés s'installent dans les cliniques privées des grandes agglomérations dans lesquelles le niveau de rémunération est plus de deux fois supérieur à celui des radiologues hospitaliers pour une activité uniquement de jour, c'est-à-dire qu'ils ne participent à aucune garde de nuit, ni de week-end. "Ainsi si vous utilisez une plateforme de rendez-vous en ligne, vous pourrez obtenir à Rennes, Nantes ou Brest un rendez-vous dans moins de huit jours."

"Pouvons-nous accepter que l'accès aux spécialistes ne devienne possible que dans les grandes métropoles ?", questionne-t-elle. Citant l'accord signé cet été entre l'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, qui interdit l'installation de nouveaux praticiens dans des zones suffisamment dotées où seuls les départs en retraite peuvent être remplacés (cf dépêche du 25/08/2023 à 16:27), elle se demande pourquoi cela ne serait pas possible pour les autres médecins.

"Allons-nous continuer à accepter que les médecins les mieux payés soient ceux qui n'ont aucune contrainte de travail de nuit, de week-end ou de jour férié alors que tous sont rémunérés par la Caisse nationale de l'assurance maladie, c'est-à-dire vos cotisations sociales?"

"S'il est vrai que nous ne pouvons pas maintenir toutes les activités notamment les plus techniques partout, nous devons tous pouvoir accéder en tout point du territoire aux programmes de dépistage qui sont un élément essentiel de la prévention", soutient-elle.

"Alors que les indicateurs de santé sont déjà souvent défavorables dans notre département, inférieurs aux moyennes nationales et régionales, ne nous leurrons pas, ils vont encore se dégrader. Comment ne pas le dénoncer et réclamer une autre politique?", conclut la présidente de CME.

Inquiétude des organisateurs du dépistage

"Nous sommes inquiets", reconnaît le Dr Emmanuel Blin, médecin coordonnateur de l'antenne des Côtes-d'Armor du centre régional de coordination de dépistage des cancers (CRCDC) Bretagne, sollicité mardi par APMnews.

"Les radiologues qui partent à la retraite ne sont pas remplacés -la sénologie est en perte de vitesse- et il y a eu la fermeture d'un centre libéral à Saint-Brieuc. Il faut plus de six mois en général sur le département pour avoir un rendez-vous", explique-t-il.

Le taux de participation au dépistage, qui était supérieur à 60% il y a 10 ans, est tombé à 53% pour 2021-2022, regrette le Dr Blin qui a exprimé cette inquiétude lors d'une conférence de presse la semaine dernière.

"Un taux de 53% ce n'est pas satisfaisant pour nous. Nous sommes inquiets", déclare-t-il. "Cette baisse de participation est au moins en grande partie due aux difficultés de rendez-vous", estime-t-il.

Sa structure travaille avec les radiologues et les secrétariats pour essayer d'améliorer la situation. Les délais fluctuent selon les périodes d'une ville à l'autre. En ce moment, le CH de Paimpol a lui aussi arrêté ses mammographies de dépistage. Au CH de Lannion, cela fonctionne bien car il y a trois radiologues mais des départs en retraite sont à prévoir. C'est mieux à Loudéac ou en limitrophe dans le Morbihan à Pontivy.

Il rapporte recevoir des mails, des courriers de femmes qui se plaignent d'être invitées au dépistage mais de ne pas parvenir à prendre rendez-vous. Les nouvelles participantes sont déçues et l'intervalle entre deux mammographies s'allonge pour les autres. La structure de dépistage envoie maintenant ses invitations trois mois avant l'échéance pour permettre aux femmes d'anticiper.

"Nous sommes assez démunis, certaines voyagent", reconnaît-il.

Interrogé sur la possibilité de faire circuler un mammobile, le Dr Blin a indiqué que cela faisait partie des "solutions envisagées" avec les acteurs du dépistage. "Il y a un projet de mammobile régional", a-t-il dit.

Les données présentées pour toute la France en juin par Santé publique France attestaient d'une légère remontée après le Covid en 2021-2022 à 47,7%, mais sans atteindre le niveau de 2018-2019 indiquant que l'effet de la pandémie n'était pas totalement rattrapé et une analyse détaillée a fait apparaître une nouvelle baisse en 2022 à 44,9% contre un taux de 50,5% en 2021 du fait d'une densification des invitations malgré un étalement par les CRCDC et des délais qui s'allongent entre deux dépistages, rappelle-t-on (cf dépêche du 15/06/2023 à 18:44).

sl/ab/APMnews

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