Actualités de l'Urgence - APM

UNE PRISE EN CHARGE DÉFAILLANTE DES CAS D'ANAPHYLAXIE SÉVÈRE QUI DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE
PARIS, 27 avril 2023 (APMnews) - Les données du réseau d'allergovigilance montrent un défaut de recours aux services d'urgence et une sous-utilisation de l'adrénaline dans la prise en charge des cas d'anaphylaxie sévère, selon une présentation au Congrès francophone d'allergologie (CFA) mercredi à Paris.
L'anaphylaxie représente une urgence absolue avec un délai moyen très court entre l'exposition allergénique et le décès, entre cinq minutes pour les réactions iatrogènes et 30 minutes pour les anaphylaxies alimentaires, a rappelé le Dr Guillaume Pouessel du centre hospitalier de Roubaix (Nord) en introduction de sa présentation.
Sur la base des signalements remontés au réseau d'allergovigilance, il a colligé les données de prise en charge des anaphylaxies alimentaires entre 2012 et mars 2023, en comparant notamment les deux périodes quinquennales 2012-2017 et 2018-2023.
Sur cette décennie, il a dénombré 1.227 cas d'anaphylaxie alimentaire. Entre les deux sous-périodes, une augmentation est constatée chez les enfants (+22%) et une baisse chez les adultes (-30%).
Ces évolutions sont notamment dues à une hausse du nombre d'anaphylaxies de grade 3 chez les enfants (de 66 à 124 cas) et à une baisse du nombre d'anaphylaxies de grade 2 chez les adultes (de 168 à 94 cas), selon la classification de Ring et Messmer.
"Il y a peut-être un peu moins de déclarations chez les adultes" pour les cas les moins graves, a commenté le Dr Pouessel.
Il a de plus indiqué que la plupart des cas pédiatriques d'anaphylaxie sévère à risque vital sont survenus à domicile, en famille hors domicile et à l'école (environ 10%). Chez l'adulte, ces cas sont globalement arrivés à domicile, en famille hors domicile, au travail et au restaurant.
En ce qui concerne les structures impliquées dans la prise en charge de l'urgence chez l'enfant, le médecin a regretté un défaut de recours aux services d'urgence, avec "moins de la moitié des patients [qui] vont avoir un appel au Samu ou aux pompiers pour ces cas d'anaphylaxies qui peuvent être très sévères".
Il a néanmoins partagé le constat d'une amélioration entre les deux périodes d'étude dans la prise en charge par le Samu et les pompiers, ce qui est "rassurant, mais il faudra que cette tendance s'amplifie dans le temps".
Il a aussi noté une augmentation du nombre de patients qui ont été traités par la famille ou par eux-mêmes. Il y a "une voie d'amélioration sur l'éducation thérapeutique chez l'enfant", a-t-il estimé.
En revanche, "si 10% des cas arrivent à l'école, celle-ci n'est intervenue que dans trois cas" sur 22, a-t-il déploré.
Chez les cas adultes, la moitié des patients ont fait appel aux services de santé -Samu, pompiers, SOS Médecins- "ce qui est peu". De plus, "peu vont se traiter eux-mêmes".
Appeler les secours ou s'auto-injecter de l'adrénaline
"Il faut vraiment essayer de renforcer les messages qui sont d'appeler les premiers secours et de se faire soi-même son injection d'adrénaline quand on a une trousse."
En matière de soins, il a fait remarquer que près de 10% des enfants à risque vital n'en ont pas reçu. "Les auto-injecteurs d'adrénaline sont globalement peu utilisés par les familles, dans moins de la moitié des cas", a-t-il ajouté.
Il a fait remonter "un certain nombre de dysfonctionnements tout à fait préjudiciables". Parfois les premiers secours ne se déplacent pas alors qu'ils sont appelés "ce qui est assez étonnant" et certains patients ne vont même pas être admis en service d'urgence, "ce qui est assez incompréhensible également".
"L'adrénaline est même parfois déconseillée par le Samu." Guillaume Pouessel a relevé une utilisation "importante" d'aérosols d'adrénaline ou d'injection d'adrénaline par voie intraveineuse en première intention "ce qui n'est pas conseillé".
Sur les deux périodes d'étude, l'utilisation de l'adrénaline par voie intraveineuse ou intramusculaire représente 50% des cas chez l'enfant. Une amélioration des pratiques a tout de même été notée avec une diminution de l'utilisation des aérosols d'adrénaline et des injections par voie intraveineuse ainsi qu'une augmentation des injections par voie intramusculaire.
Chez l'adulte, le taux d'utilisation des injections d'adrénaline est passé de 43% à 56%. "On sent que petit à petit, les pratiques s'améliorent mais il faut du temps, avec là encore beaucoup de difficultés et d'erreurs dans la prise en charge."
Heureusement, "dans un certain nombre de situations d'anaphylaxie, notamment alimentaire et pour des [cas de] grade 2, il y a possiblement une évolution spontanément favorable sans adrénaline", a rassuré le Dr Pouessel.
Informer sur l'adrénaline et former à son usage
En conclusion, il a partagé plusieurs recommandations rassemblées autour du sigle REACT: Reconnaître, Evaluer la gravité, Adrénaline, Communauté et affaire de Tous. "Si on veut optimiser les premiers secours dans l'anaphylaxie, il faut réagir."
Il a ainsi recommandé une meilleure reconnaissance des symptômes et une vulgarisation de l'anaphylaxie auprès du grand public.
"Il faut mieux préciser des stratégies personnalisées pour les phénotypes à risque et déclarer aux Samu les malades à haut risque", a-t-il ajouté.
L'adrénaline doit être "la pierre angulaire du traitement" et être optimisée grâce à "une disponibilité des auto-injecteurs et des innovations". Il a invité les cliniciens à "aller vers les industriels pour leur faire des propositions pour des dispositifs [d'administration] plus sûrs".
Des alternatives à la forme injectable, par voie sublinguale ou nasale, seraient en cours d'évaluation, a-t-il indiqué.
Il a émis le souhait d'une implication de l'ensemble de la communauté: sapeurs-pompiers, services d'urgence, milieu scolaire, pouvoirs publics et associations.
"Il faut mieux organiser les filières de soins notamment après des séjours en urgence ou en réanimation" et "que les patients qui sortent des services d'urgence aient des trousses d'urgence adaptées avec des auto-injecteurs à la bonne posologie et qu'ils sachent utiliser", a-t-il estimé.
Il a rappelé que depuis un décret publié l'an dernier, les sapeurs-pompiers "ont le droit d'avoir à disposition dans leur véhicule des auto-injecteurs d'adrénaline et de les utiliser sur prescription d'un médecin régulateur ou présent sur les lieux" mais qu'il faut les aider pour que cela soit mis en place.
"Pour l'instant ce n’est pas une obligation et ils ne sont pas formés ni évalués à cette pratique."
Il a également souhaité que soient actualisées les recommandations de prise en charge auprès des services d'urgence. "Il faudra évaluer la mise en oeuvre pratique de ces dispositions."
Enfin, il a suggéré que les associations et pouvoirs publics "s'inspirent des campagnes au Royaume-Uni de l'Anaphylaxis UK, qui diffuse beaucoup d'informations au grand public et qui très active sur les réseaux".
pl/ld/ab/APMnews
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UNE PRISE EN CHARGE DÉFAILLANTE DES CAS D'ANAPHYLAXIE SÉVÈRE QUI DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE
PARIS, 27 avril 2023 (APMnews) - Les données du réseau d'allergovigilance montrent un défaut de recours aux services d'urgence et une sous-utilisation de l'adrénaline dans la prise en charge des cas d'anaphylaxie sévère, selon une présentation au Congrès francophone d'allergologie (CFA) mercredi à Paris.
L'anaphylaxie représente une urgence absolue avec un délai moyen très court entre l'exposition allergénique et le décès, entre cinq minutes pour les réactions iatrogènes et 30 minutes pour les anaphylaxies alimentaires, a rappelé le Dr Guillaume Pouessel du centre hospitalier de Roubaix (Nord) en introduction de sa présentation.
Sur la base des signalements remontés au réseau d'allergovigilance, il a colligé les données de prise en charge des anaphylaxies alimentaires entre 2012 et mars 2023, en comparant notamment les deux périodes quinquennales 2012-2017 et 2018-2023.
Sur cette décennie, il a dénombré 1.227 cas d'anaphylaxie alimentaire. Entre les deux sous-périodes, une augmentation est constatée chez les enfants (+22%) et une baisse chez les adultes (-30%).
Ces évolutions sont notamment dues à une hausse du nombre d'anaphylaxies de grade 3 chez les enfants (de 66 à 124 cas) et à une baisse du nombre d'anaphylaxies de grade 2 chez les adultes (de 168 à 94 cas), selon la classification de Ring et Messmer.
"Il y a peut-être un peu moins de déclarations chez les adultes" pour les cas les moins graves, a commenté le Dr Pouessel.
Il a de plus indiqué que la plupart des cas pédiatriques d'anaphylaxie sévère à risque vital sont survenus à domicile, en famille hors domicile et à l'école (environ 10%). Chez l'adulte, ces cas sont globalement arrivés à domicile, en famille hors domicile, au travail et au restaurant.
En ce qui concerne les structures impliquées dans la prise en charge de l'urgence chez l'enfant, le médecin a regretté un défaut de recours aux services d'urgence, avec "moins de la moitié des patients [qui] vont avoir un appel au Samu ou aux pompiers pour ces cas d'anaphylaxies qui peuvent être très sévères".
Il a néanmoins partagé le constat d'une amélioration entre les deux périodes d'étude dans la prise en charge par le Samu et les pompiers, ce qui est "rassurant, mais il faudra que cette tendance s'amplifie dans le temps".
Il a aussi noté une augmentation du nombre de patients qui ont été traités par la famille ou par eux-mêmes. Il y a "une voie d'amélioration sur l'éducation thérapeutique chez l'enfant", a-t-il estimé.
En revanche, "si 10% des cas arrivent à l'école, celle-ci n'est intervenue que dans trois cas" sur 22, a-t-il déploré.
Chez les cas adultes, la moitié des patients ont fait appel aux services de santé -Samu, pompiers, SOS Médecins- "ce qui est peu". De plus, "peu vont se traiter eux-mêmes".
Appeler les secours ou s'auto-injecter de l'adrénaline
"Il faut vraiment essayer de renforcer les messages qui sont d'appeler les premiers secours et de se faire soi-même son injection d'adrénaline quand on a une trousse."
En matière de soins, il a fait remarquer que près de 10% des enfants à risque vital n'en ont pas reçu. "Les auto-injecteurs d'adrénaline sont globalement peu utilisés par les familles, dans moins de la moitié des cas", a-t-il ajouté.
Il a fait remonter "un certain nombre de dysfonctionnements tout à fait préjudiciables". Parfois les premiers secours ne se déplacent pas alors qu'ils sont appelés "ce qui est assez étonnant" et certains patients ne vont même pas être admis en service d'urgence, "ce qui est assez incompréhensible également".
"L'adrénaline est même parfois déconseillée par le Samu." Guillaume Pouessel a relevé une utilisation "importante" d'aérosols d'adrénaline ou d'injection d'adrénaline par voie intraveineuse en première intention "ce qui n'est pas conseillé".
Sur les deux périodes d'étude, l'utilisation de l'adrénaline par voie intraveineuse ou intramusculaire représente 50% des cas chez l'enfant. Une amélioration des pratiques a tout de même été notée avec une diminution de l'utilisation des aérosols d'adrénaline et des injections par voie intraveineuse ainsi qu'une augmentation des injections par voie intramusculaire.
Chez l'adulte, le taux d'utilisation des injections d'adrénaline est passé de 43% à 56%. "On sent que petit à petit, les pratiques s'améliorent mais il faut du temps, avec là encore beaucoup de difficultés et d'erreurs dans la prise en charge."
Heureusement, "dans un certain nombre de situations d'anaphylaxie, notamment alimentaire et pour des [cas de] grade 2, il y a possiblement une évolution spontanément favorable sans adrénaline", a rassuré le Dr Pouessel.
Informer sur l'adrénaline et former à son usage
En conclusion, il a partagé plusieurs recommandations rassemblées autour du sigle REACT: Reconnaître, Evaluer la gravité, Adrénaline, Communauté et affaire de Tous. "Si on veut optimiser les premiers secours dans l'anaphylaxie, il faut réagir."
Il a ainsi recommandé une meilleure reconnaissance des symptômes et une vulgarisation de l'anaphylaxie auprès du grand public.
"Il faut mieux préciser des stratégies personnalisées pour les phénotypes à risque et déclarer aux Samu les malades à haut risque", a-t-il ajouté.
L'adrénaline doit être "la pierre angulaire du traitement" et être optimisée grâce à "une disponibilité des auto-injecteurs et des innovations". Il a invité les cliniciens à "aller vers les industriels pour leur faire des propositions pour des dispositifs [d'administration] plus sûrs".
Des alternatives à la forme injectable, par voie sublinguale ou nasale, seraient en cours d'évaluation, a-t-il indiqué.
Il a émis le souhait d'une implication de l'ensemble de la communauté: sapeurs-pompiers, services d'urgence, milieu scolaire, pouvoirs publics et associations.
"Il faut mieux organiser les filières de soins notamment après des séjours en urgence ou en réanimation" et "que les patients qui sortent des services d'urgence aient des trousses d'urgence adaptées avec des auto-injecteurs à la bonne posologie et qu'ils sachent utiliser", a-t-il estimé.
Il a rappelé que depuis un décret publié l'an dernier, les sapeurs-pompiers "ont le droit d'avoir à disposition dans leur véhicule des auto-injecteurs d'adrénaline et de les utiliser sur prescription d'un médecin régulateur ou présent sur les lieux" mais qu'il faut les aider pour que cela soit mis en place.
"Pour l'instant ce n’est pas une obligation et ils ne sont pas formés ni évalués à cette pratique."
Il a également souhaité que soient actualisées les recommandations de prise en charge auprès des services d'urgence. "Il faudra évaluer la mise en oeuvre pratique de ces dispositions."
Enfin, il a suggéré que les associations et pouvoirs publics "s'inspirent des campagnes au Royaume-Uni de l'Anaphylaxis UK, qui diffuse beaucoup d'informations au grand public et qui très active sur les réseaux".
pl/ld/ab/APMnews