Actualités de l'Urgence - APM

VIOLENCES CONTRE LES SOIGNANTS: LES SÉNATEURS ÉLARGISSENT ENCORE LE PÉRIMÈTRE DES PERSONNES PROTÉGÉES
Les sénateurs ont achevé dans la nuit l'examen en séance publique, adoptant une vingtaine d'amendements à la version issue de la commission des lois (cf dépêche du 02/05/2025 à 11:55). Ils se prononceront mardi 13 mai après-midi sur l'ensemble du texte à l'occasion d'un scrutin solennel.
La proposition de loi de l'ancien député Philippe Pradal (Horizons, Alpes-Maritimes), sur laquelle le gouvernement a engagé la procédure accélérée, fera ensuite l'objet d'une commission mixte paritaire (CMP) afin de trouver une version commune entre les sénateurs et les députés, qui avaient adopté le texte à l'unanimité en mars 2024 (cf dépêche du 14/03/2024 à 19:27).
Il porte des mesures d'ordre législatif annoncées en septembre 2023 par le gouvernement dans le cadre du plan de lutte contre les violences faites aux soignants (cf dépêche du 29/09/2023 à 14:11).
En séance publique, les sénateurs sont revenus sur un grand nombre d'arbitrages opérés en commission des lois et ont voté plusieurs amendements contre l'avis de la rapporteure, Anne-Sophie Patru (Union centriste, Ille-et-Vilaine) qui a pointé des faiblesses juridiques.
Ils ont notamment modifié l'article 1er, qui prévoit dans le code pénal des peines aggravées à l'encontre des auteurs de violences commises sur les professionnels de santé et le personnel des structures de santé, sociales et médico-sociales, en intégrant les prestataires de santé à domicile.
Le périmètre des personnes protégées concerne désormais tout professionnel de santé, "ou un membre du personnel exerçant au sein d'un établissement de santé, d'un centre de santé, d'une maison de santé, d'une maison de naissance, d'un cabinet d'exercice libéral d'une profession de santé, d'une officine de pharmacie, d'un prestataire de santé à domicile, d'un laboratoire de biologie médicale ou d'un établissement ou d'un service social ou médico‑social".
Contre l'avis de la rapporteure, ils ont également inclus dans les circonstances aggravantes des agressions sexuelles toute violence "lorsqu'elle est commise par ou sur un professionnel de santé durant son exercice".
L'objectif est à la fois de mieux protéger les professionnelles de santé et soignantes, majoritaires dans le domaine de la santé et "plus exposées aux agressions" que les hommes, et mieux protéger les patients, qui sont dans une position vulnérable, explique Vincent Louault (Les Indépendants, Indre-et-Loire) dans l'exposé des motifs de son amendement.
Les circonstances aggravantes, déjà étendues au vol de matériel médical et paramédical et au vol en établissement de santé, ont été élargies au vol de "tout produit de santé".
Le délit d'outrage étendu aux libéraux?
A la demande du gouvernement mais contre l'avis de la rapporteure, les sénateurs ont de nouveau réécrit l'article 2, qui vise à réprimer plus durement les violences verbales.
Alors que la commission privilégiait une répression aggravée de l'injure définie par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les sénateurs ont rétabli l'extension du délit d'outrage, afin de prendre en compte "tout membre du personnel exerçant au sein d'un établissement de santé, d'un centre de santé, d'une maison de santé, d'une maison de naissance, d'un cabinet d'exercice libéral d'une profession de santé, d'une officine de pharmacie, d'un laboratoire de biologie médicale ou d'un établissement ou d'un service social ou médico‑social".
La rapporteure a vainement fait valoir la difficulté d'étendre aussi largement le délit d'outrage, à l'origine prévu pour les agents publics, dépositaires de l'autorité publique ou chargés d'une mission de service public.
Le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, Yannick Neuder, a reconnu une divergence d'analyse juridique sur ce point, mais estimé que le délit d'outrage répondait "particulièrement à la demande de nos soignants vis-à-vis des professionnels de santé".
Les sénateurs ont ensuite voté, avec avis de sagesse du gouvernement, la faculté pour le seul Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop) de se constituer partie civile en cas d'outrage commis à l'encontre d'un pharmacien, instituant toutefois ainsi une distorsion avec les autres ordres professionnels, a regretté Anne-Sophie Patru qui avait émis un avis défavorable.
Les sénateurs ont approuvé l'article 3, qui doit permettre à l'employeur, lorsqu'il a connaissance de faits de violences commises contre les agents d'une structure de soins ou médico-sociale, de déposer plainte "après avoir recueilli le consentement écrit de la victime". Il pourrait également se constituer partie civile.
L'article confie aux ordres professionnels la faculté de déposer plainte pour les professionnels de santé libéraux disposant d'un ordre (médecins, dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes et pédicures-podologues) et aligne les compétences des conseils départementaux des ordres des infirmiers et des kinésithérapeutes sur celles dont disposent les conseils départementaux des ordres des autres professions libérales pour la constitution de partie civile.
Contre l'avis de la rapporteure, la chambre haute a étendu cette faculté de dépôt de plainte aux unions régionales des professionnels de santé libéraux (URPS), certains sénateurs faisant valoir que plusieurs professions étaient dépourvues d'ordre professionnel.
Yannick Neuder s'est engagé à publier rapidement le décret d'application précisant les modalités de ce dépôt de plainte, et précisé qu'il travaillait avec le ministre de l'intérieur pour mettre en place un dispositif de dépôt de plainte en visioconférence pour les soignants victimes.
Le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification, Laurent Marcangeli, s'est déclaré mardi favorable à étendre à l'ensemble des agents publics cette faculté de dépôt de plainte par l'employeur (cf dépêche du 06/05/2025 à 18:20).
Les sénateurs ont par ailleurs approuvé à l'article 3 une mention tendant à ce qu'une attention particulière soit portée à la prévention des risques liés au trafic de stupéfiants dans les établissements de santé, notamment en psychiatrie.
Khalifé Khalifé (LR, Moselle) a notamment insisté sur les difficultés auxquelles étaient confrontés les établissements psychiatriques où les soignants devaient parfois composer avec de "séances de deal", la rapporteure estimant qu'une telle mention était dépourvue de portée normative et risquait la censure.
Enfin, les sénateurs ont adopté un cavalier législatif manifeste proposé par le gouvernement, qui rétablit la protection fonctionnelle des agents publics pour toutes les procédures pénales donnant droit à l'assistance d'un avocat, après la censure d'une disposition législative par le Conseil constitutionnel qui entrera en vigueur au 1er juillet 2025.
Un texte qui ne répond pas aux causes, selon un sénateur
L'ensemble des groupes ont exprimé leur soutien au texte, mais certains sénateurs ont regretté qu'il n'apporte aucune réponse aux raisons pouvant expliquer la hausse des violences contre les soignants ces dernières années.
"C'est se tromper que de faire croire -et de croire soi-même- qu'un accroissement des sanctions pénales suffira à mettre un terme aux violences envers les praticiens de santé", a ainsi observé Hussein Bourgi (SER, Hérault), relevant que "les principaux éléments déclencheurs de heurts en milieu hospitalier découlent des conditions de la prise en charge du patient, des refus de soins et des temps d'attente excessifs, notamment dans les services des urgences".
"Cela n'excuse aucunement les violences insupportables dont les soignants font l'objet […]. Mais il me semble important de comprendre les contextes dans lesquels prospèrent ces situations afin de les anticiper, de les contrer avec davantage d'efficacité. Bien souvent, ces violences sont le reflet de la dégradation de la qualité des soins et de la pénurie de soignants", a poursuivi le sénateur.
"Il semble évident qu'une meilleure prise en charge des patients et une réduction des temps d'attente en milieu hospitalier seraient de nature à réduire considérablement les tensions entre les patients et leurs proches d'un côté et les personnels de santé de l'autre", a-t-il fait valoir, ajoutant que les soignants alertent depuis longtemps sur le manque de temps et de moyens humains.
De son côté, Yannick Neuder a axé son propos lors de la discussion générale sur le renforcement de la réponse pénale prévue par le texte, le plan d'investissement dans la sécurisation des établissements de santé (25 millions d'euros en 2025), dans la continuité des mesures engagées par les gouvernements précédents, et réaffirmé sa volonté de lutter contre les violences contre les soignants avec pour principe une "tolérance zéro" (cf dépêche du 13/01/2025 à 13:28).
vg/nc/APMnews
Informations professionnelles
- AFMU
- Agenda
- Annonces de postes
- Annuaire de l'urgence
- Audits
- Calculateurs
- Cas cliniques
- Cochrane PEC
- COVID-19
- DynaMed
- E-learning
- Géodes
- Grand public
- Librairie
- Médecine factuelle
- Outils professionnels
- Podcast
- Portail de l'urgence
- Recherche avancée
- Recommandations
- Recommandations SFMU
- Référentiels SFMU
- Textes réglementaires
- UrgencesDPC
- Webinaire
- Weblettre

VIOLENCES CONTRE LES SOIGNANTS: LES SÉNATEURS ÉLARGISSENT ENCORE LE PÉRIMÈTRE DES PERSONNES PROTÉGÉES
Les sénateurs ont achevé dans la nuit l'examen en séance publique, adoptant une vingtaine d'amendements à la version issue de la commission des lois (cf dépêche du 02/05/2025 à 11:55). Ils se prononceront mardi 13 mai après-midi sur l'ensemble du texte à l'occasion d'un scrutin solennel.
La proposition de loi de l'ancien député Philippe Pradal (Horizons, Alpes-Maritimes), sur laquelle le gouvernement a engagé la procédure accélérée, fera ensuite l'objet d'une commission mixte paritaire (CMP) afin de trouver une version commune entre les sénateurs et les députés, qui avaient adopté le texte à l'unanimité en mars 2024 (cf dépêche du 14/03/2024 à 19:27).
Il porte des mesures d'ordre législatif annoncées en septembre 2023 par le gouvernement dans le cadre du plan de lutte contre les violences faites aux soignants (cf dépêche du 29/09/2023 à 14:11).
En séance publique, les sénateurs sont revenus sur un grand nombre d'arbitrages opérés en commission des lois et ont voté plusieurs amendements contre l'avis de la rapporteure, Anne-Sophie Patru (Union centriste, Ille-et-Vilaine) qui a pointé des faiblesses juridiques.
Ils ont notamment modifié l'article 1er, qui prévoit dans le code pénal des peines aggravées à l'encontre des auteurs de violences commises sur les professionnels de santé et le personnel des structures de santé, sociales et médico-sociales, en intégrant les prestataires de santé à domicile.
Le périmètre des personnes protégées concerne désormais tout professionnel de santé, "ou un membre du personnel exerçant au sein d'un établissement de santé, d'un centre de santé, d'une maison de santé, d'une maison de naissance, d'un cabinet d'exercice libéral d'une profession de santé, d'une officine de pharmacie, d'un prestataire de santé à domicile, d'un laboratoire de biologie médicale ou d'un établissement ou d'un service social ou médico‑social".
Contre l'avis de la rapporteure, ils ont également inclus dans les circonstances aggravantes des agressions sexuelles toute violence "lorsqu'elle est commise par ou sur un professionnel de santé durant son exercice".
L'objectif est à la fois de mieux protéger les professionnelles de santé et soignantes, majoritaires dans le domaine de la santé et "plus exposées aux agressions" que les hommes, et mieux protéger les patients, qui sont dans une position vulnérable, explique Vincent Louault (Les Indépendants, Indre-et-Loire) dans l'exposé des motifs de son amendement.
Les circonstances aggravantes, déjà étendues au vol de matériel médical et paramédical et au vol en établissement de santé, ont été élargies au vol de "tout produit de santé".
Le délit d'outrage étendu aux libéraux?
A la demande du gouvernement mais contre l'avis de la rapporteure, les sénateurs ont de nouveau réécrit l'article 2, qui vise à réprimer plus durement les violences verbales.
Alors que la commission privilégiait une répression aggravée de l'injure définie par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les sénateurs ont rétabli l'extension du délit d'outrage, afin de prendre en compte "tout membre du personnel exerçant au sein d'un établissement de santé, d'un centre de santé, d'une maison de santé, d'une maison de naissance, d'un cabinet d'exercice libéral d'une profession de santé, d'une officine de pharmacie, d'un laboratoire de biologie médicale ou d'un établissement ou d'un service social ou médico‑social".
La rapporteure a vainement fait valoir la difficulté d'étendre aussi largement le délit d'outrage, à l'origine prévu pour les agents publics, dépositaires de l'autorité publique ou chargés d'une mission de service public.
Le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins, Yannick Neuder, a reconnu une divergence d'analyse juridique sur ce point, mais estimé que le délit d'outrage répondait "particulièrement à la demande de nos soignants vis-à-vis des professionnels de santé".
Les sénateurs ont ensuite voté, avec avis de sagesse du gouvernement, la faculté pour le seul Conseil national de l'ordre des pharmaciens (Cnop) de se constituer partie civile en cas d'outrage commis à l'encontre d'un pharmacien, instituant toutefois ainsi une distorsion avec les autres ordres professionnels, a regretté Anne-Sophie Patru qui avait émis un avis défavorable.
Les sénateurs ont approuvé l'article 3, qui doit permettre à l'employeur, lorsqu'il a connaissance de faits de violences commises contre les agents d'une structure de soins ou médico-sociale, de déposer plainte "après avoir recueilli le consentement écrit de la victime". Il pourrait également se constituer partie civile.
L'article confie aux ordres professionnels la faculté de déposer plainte pour les professionnels de santé libéraux disposant d'un ordre (médecins, dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes et pédicures-podologues) et aligne les compétences des conseils départementaux des ordres des infirmiers et des kinésithérapeutes sur celles dont disposent les conseils départementaux des ordres des autres professions libérales pour la constitution de partie civile.
Contre l'avis de la rapporteure, la chambre haute a étendu cette faculté de dépôt de plainte aux unions régionales des professionnels de santé libéraux (URPS), certains sénateurs faisant valoir que plusieurs professions étaient dépourvues d'ordre professionnel.
Yannick Neuder s'est engagé à publier rapidement le décret d'application précisant les modalités de ce dépôt de plainte, et précisé qu'il travaillait avec le ministre de l'intérieur pour mettre en place un dispositif de dépôt de plainte en visioconférence pour les soignants victimes.
Le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification, Laurent Marcangeli, s'est déclaré mardi favorable à étendre à l'ensemble des agents publics cette faculté de dépôt de plainte par l'employeur (cf dépêche du 06/05/2025 à 18:20).
Les sénateurs ont par ailleurs approuvé à l'article 3 une mention tendant à ce qu'une attention particulière soit portée à la prévention des risques liés au trafic de stupéfiants dans les établissements de santé, notamment en psychiatrie.
Khalifé Khalifé (LR, Moselle) a notamment insisté sur les difficultés auxquelles étaient confrontés les établissements psychiatriques où les soignants devaient parfois composer avec de "séances de deal", la rapporteure estimant qu'une telle mention était dépourvue de portée normative et risquait la censure.
Enfin, les sénateurs ont adopté un cavalier législatif manifeste proposé par le gouvernement, qui rétablit la protection fonctionnelle des agents publics pour toutes les procédures pénales donnant droit à l'assistance d'un avocat, après la censure d'une disposition législative par le Conseil constitutionnel qui entrera en vigueur au 1er juillet 2025.
Un texte qui ne répond pas aux causes, selon un sénateur
L'ensemble des groupes ont exprimé leur soutien au texte, mais certains sénateurs ont regretté qu'il n'apporte aucune réponse aux raisons pouvant expliquer la hausse des violences contre les soignants ces dernières années.
"C'est se tromper que de faire croire -et de croire soi-même- qu'un accroissement des sanctions pénales suffira à mettre un terme aux violences envers les praticiens de santé", a ainsi observé Hussein Bourgi (SER, Hérault), relevant que "les principaux éléments déclencheurs de heurts en milieu hospitalier découlent des conditions de la prise en charge du patient, des refus de soins et des temps d'attente excessifs, notamment dans les services des urgences".
"Cela n'excuse aucunement les violences insupportables dont les soignants font l'objet […]. Mais il me semble important de comprendre les contextes dans lesquels prospèrent ces situations afin de les anticiper, de les contrer avec davantage d'efficacité. Bien souvent, ces violences sont le reflet de la dégradation de la qualité des soins et de la pénurie de soignants", a poursuivi le sénateur.
"Il semble évident qu'une meilleure prise en charge des patients et une réduction des temps d'attente en milieu hospitalier seraient de nature à réduire considérablement les tensions entre les patients et leurs proches d'un côté et les personnels de santé de l'autre", a-t-il fait valoir, ajoutant que les soignants alertent depuis longtemps sur le manque de temps et de moyens humains.
De son côté, Yannick Neuder a axé son propos lors de la discussion générale sur le renforcement de la réponse pénale prévue par le texte, le plan d'investissement dans la sécurisation des établissements de santé (25 millions d'euros en 2025), dans la continuité des mesures engagées par les gouvernements précédents, et réaffirmé sa volonté de lutter contre les violences contre les soignants avec pour principe une "tolérance zéro" (cf dépêche du 13/01/2025 à 13:28).
vg/nc/APMnews